dimanche 30 avril 2017

“Sur l’apparence est bien fou qui se fonde.”



Nous sommes samedi soir, ou plutôt dimanche matin (il est 2h... Ouais j'écris la nuit moi je suis comme ça, je sors mon autre identité, mon moi intime quand le soleil est couché et que tout le monde dort paisiblement. Ca doit avoir un rapport avec ma vie de vampire...) et je m'interroge. (Le début de la phrase est loin mais en gros ça donnait : Nous sommes dimanche matin et je m'interroge... OUI effectivement j'aurais pu y aller direct, mais avouez que c'était moins drôle !)

Je m'interroge sur ce qui nous caractérise, sur les signes extérieurs qui font que nous sommes une personne ou une autre, sur les jugements que peuvent amener ces mêmes signes extérieurs. (Vous avez 4 heures, bon courage !)
En plus clair, (parce que je vois bien que je vous ai déjà perdu) : Qu'est-ce qui constitue notre identité aux yeux des autres ?

Depuis petit on nous apprend qu'il ne faut pas s'adresser à un adulte en costume-cravate de la même manière que nous nous adresserions à un enfant de notre âge.
Pourquoi ? Question de politesse et de respect de l'être ainé ? Le costume-cravate a t-il son importance ? Est-ce que l'on doit s'adresser différemment à un adulte en costard, qu'à un adulte en blouse blanche ou en bleu de travail ?
Je ne me souviens pas que l'on m’aie demandé de telles distinctions.
  La consigne était claire : si tu t'adresses à quelqu'un de plus âgé, tu vouvoies. Si tu t'adresses à quelqu'un quel qu'il soit, tu es respectueuse et polie.

Voilà, c'était tout.

J'avais une profonde admiration pour certains de mes maîtres et maitresses à qui je disais "tu". Et j'ai appris que le tutoiement n'était alors pas toujours une marque d'irrespect. 
Et puis à la fin du CM2 on nous prévient que désormais nous devrons vouvoyer nos profs et leur dire Monsieur et Madame. Ce n'est pas simple de comprendre pourquoi des personnes ayant le même métier passe à un statut différent... Et je me rappelle que la plus grosse crainte que nous avions en 6e était d'appeler un "prof", "maitre". (Non en vrai la plus grosse bourde c'était de dire "Papa" ou "maman" à un prof, là c'était compliqué. Bon si on entrait dans la psycho de bas étages on pourrait dire qu'on faisait des transferts et tout le blabla... En vrai c'est juste que quand on a 11 ans les mots qu'on dit le plus quand on veut quelque chose c'est ... c'est ? ... Oui papa et maman effectivement !) 

Bref on s'égare !

Je ne sais pas à quel âge on doit absolument vouvoyer le monde des adultes, je ne sais pas à quel âge on perd l'innocence de l'enfant qui pense que tout le monde est pareil et qu'il n'y a pas de distinction à faire entre la caissière du supermarché, le médecin de famille ou le président ! Mais ce qui est certain, c'est que nous sommes en tant qu'adultes aujourd'hui, absolument tous capables de savoir si notre manière de nous adresser à l'autre est appropriée, familière ou irrespectueuse. (Enfin normalement...En globalité quoi... Bah si ça ne vous viendrait pas à l'idée d'entrer à l’Élysée et de balancer : Hey François ça va ? Et julie ? Le scooter... ) (On peut se permettre cette digression parce que de 1) la politique en ce moment c'est LE sujet d'actu, petit 2) François a bientôt terminé son CDD alors il doit être un peu plus détendu sur la question, petit 3) Y a quand même peu de chances qu'il tombe un jour sur cet article). Breeeeef... Revenons à nos moutons.

L'exemple du costume-cravate n'était pas innocent. Je voulais entrer dans le cliché pour que vous ayez tous en tête l'image du trader, travailleur et propre sur lui. (Oui vous pouvez aussi imaginer le costard en fin de soirée arrosée, avec la cravate débraillée et le vomi sur le coin de la chemise... Mais c'est moins classe).
Si maintenant on remplace ce costume par un autre objet... Au hasard... Hum... Un fauteuil roulant ! (Je vous rappelle l'objet de mon blog ?) Allez vous la sentez venir la croustillante anecdote. Bon ok, je vous raconte  (mais c'est bien parce que c'est vous !)

J'ai passé quelques jours difficiles. Douleurs et fatigue au top niveau. (C'est pas pour me plaindre, c'est pour planter le décor).
Vendredi, j'avais besoin de sortir pour me rendre à la poste et à la pharmacie. (Que ma vie est palpitante) Sous la contrainte et poussée par les obligations, je chevauche mon fauteuil électrique et décide d'affronter le monde, ô combien sauvage et pénétrant, de la vie urbaine. (C'est beau hein ces envolées lyriques !)

Ayant accompli mon œuvre (c'est à dire poster mon arrêt de travail), je m'apprête à rentrer chez moi tout en téléphonant.

 En me dirigeant vers la sortie, j'aperçois une dame d'une soixantaine d'années,  boitant légèrement, tout en ayant les lèvres repulpées par la chirurgie esthétique. (Ceci n'est pas une information capitale, il est vrai... Mais le détail peut favoriser et stimuler votre imagination... Elle avait les cheveux teints couleur marron...C'est pour vous aider que je dis ça...Moi je m'en fiche hein je l'ai vu la dame !)

Je la laisse naturellement passer. (Rapport à ce qu'on a dit plus haut : la politesse, la courtoisie et le respect des ainés...).

C'est alors qu'elle se plante devant mon fauteuil, me regarde et lance :

"Vous avez de la chance d'être véhiculée hein, moi avec mes vertèbres c'est pas facile".
Je marmonne alors un "hum"...
La dame enchaine : " Ah c'est pas facile pour moi... Vous avez eu un accident ?'
Moi : "Non j'ai une maladie"
Ma mère : "Hein quoi ?" (Oui j'avais dit que j'étais au téléphone. N'ayant pas pu lui dire que quelqu'un me parlait (ce fut soudain), la pauvre ne comprenait pas non plus pourquoi je lui répondais ça alors qu'on échangeait sur un tout autre sujet)
Moi : "Attends y a une dame qui me parle..."
Ma mère : "Hein quoi ?"...
...
(Comment ? Pas toute la  conversation ? ok... Moi j'essaye juste de faire preuve de clarté... )

Bref la dame m'a demandé ce que j'avais.
Moi j'étais énervée parce que fatiguée, douloureuse et puis parce que FLUTE et REFLUTE à la fin. Du coup j'ai pas répondu, j'ai fait mine de ne pas l'entendre et j'ai essayé d'avancer sans l'écraser mais pour qu'elle se pousse.
Elle a continué de me parler alors que je n'étais déjà plus là.

Alors voilà j'en suis là avec mon costume-cravate-fauteuil. 
Clairement je sais que si j'avais été bien portante, sans signe extérieur de déficience, personne ne serait venu me demander si j'avais une maladie, un accident, ou la chance de pouvoir marcher. PERSONNE.

Avec le fauteuil, en quelques jours, on m'a déjà demandé 3 fois si j'avais une maladie, une sclérose en plaque ou eu un accident. On s'est permis de me tutoyer là où jamais on ne l'aurait fait si j'avais été valide. Je peux le dire, j'expérimente les deux au quotidien.

Alors je repose la question, qu'est-ce qui fait qu'avec l'apparition d'un signe extérieur de déficience, on se permette des choses qu'on ne ferait pas "avec le commun des mortel" ? Est-ce que ce signe là signifierait une faiblesse de ma part ? Une aptitude moindre à un être une adulte "accomplie" ? La visibilité d'une déficience veut-elle dire qu'on est plus "faible" ? La faiblesse entrainant une sorte de maternage excessif ? Comme s'il n'existait plus aucun filtre...

Parfois quand je suis en fauteuil et que je suis avec quelqu'un d'autre on ne s'adresse pas à moi directement, on donne le ticket de caisse à la personne qui m'accompagne alors que c'est moi qui ai payé. On pose la question à mon accompagnateur au lieu de me demander directement quelle taille je fais ou si je préfère le rouge ou le bleu. On dit "elle" devant moi. On sur-articule. On me tutoie. On me demande si j'ai une sexualité entre deux portes d'ascenseur... (Si si, rappelez vous ici. Euh petite précision pour les plus vicieux d'entre vous, c'est la question qu'on me pose entre deux portes d'ascenseur... Pas si j'ai "une sexualité entre deux portes d'ascenseur"... Là ça deviendrait complètement tordu !)

Je reste persuadée qu'il y a des "tu respecteux" et des "vous irrespecteux", et que la politesse n'entre pas toujours en jeu dans le vouvoiement. Mais je dois avouer que ça me gêne de voir qu'en fauteuil ou debout je n'ai pas les mêmes traitements. J'aimerais qu'on me traite toujours de manière semblable. Je ne mérite pas d'être traitée en présidente lorsque je suis debout, et tel un enfant une fois en fauteuil.
Car au final, une fois assise j'ai cette sensation désagréable d'être infantilisée. Et de me retrouver comme lorsque j'avais 5 ans, et que le moindre inconnu s'adressait à moi en disant "Oh elle est mignonne, elle a quel âge ? Et qu'est-ce qu'elle a sur la joue ? Une vilaine griffure de chat ?" (Non en vrai c'était un coup de hache mais bon ça c'est un autre sujet...Comprendront qui auront les références mais c'est une histoire vraie) Parce que si je me permets de m'adresser à vous, comme vous vous adressez à moi, de m'immiscer dans votre sphère intime qu'est-ce que vous diriez vraiment ? Est-ce que ça choquerait, si dans le métro je m'approchais de n'importe qui en disant : infection urinaire ? Je connais... C'est pas facile... Elle veut un conseil ?
Parce que la finalité (en caricaturant à peine) est la même dans mon esprit...

Et du coup si je m'habille en tailleur, talons dans mon fauteuil ? Ca annule ?  (C'est juste pour savoir...)

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